Neuchâtel - Déportation homosexuelle : une
jeune troupe de théâtre monte "Bent"
12.04.08
Du 18 au 26 avril 2008, la Compagnie Maskarade,
jeune troupe neuchâteloise,
présente au Théâtre de la Poudrière à Neuchâtel l'un des premiers
témoignages sur la déportation des homosexuels par les nazis : la
pièce "Bent" de Martin Sherman. "Bent" est l'une des
rares œuvres littéraires traitant de l'oppression et de la
déportation des homosexuels, encore niée aujourd'hui par d'autres
congrégations de déportés.
L'histoire
En 1934 à Berlin, Max et Rudy, un couple d'homosexuels, assistent
à l'assassinat d'un jeune homme par la Gestapo. Ce meurtre fait
partie d'un massacre généralisé par les SS. La ville est à feu et
à sang. Plus aucun homosexuel n'est en sécurité. Rudy et Max
fuient mais sont découverts et déportés à Dachau. Rudy est tué pendant le voyage. Max survit grâce à l'aide
inattendue d'un autre prisonnier homosexuel. Au camp, à force de
suer ensemble et de craindre le pire, les deux hommes tombent
amoureux et tentent de retrouver un certain bonheur. Des joies de
courte durée dans un tel lieu.
Loin des clichés, "Bent" montre aussi le long
chemin de l'un des personnages pour s'accepter, malgré les
constantes violations de ses droits et le mépris de la société.
La pièce
Ecrite en 1979 par l'auteur juif américain Martin Sherman, "Bent"
est issu du témoignage de l'Autrichien Heinz Heger, déporté
durant la 2ème Guerre Mondiale en raison de son homosexualité. La
première de la pièce eut lieu en 1979 au Royal Court Theatre de Londres avec Ian McKellen dans le rôle principal.
"Bent" est un
succès, les critiques de la presse anglaise sont enthousiastes. La
pièce est traduite en plusieurs langues et portée au cinéma en 1997.
"Bent"
a reçu de nombreux prix dans les pays anglophones, où elle reste
plus célèbre qu'en France. En 1980, elle est nommée pour un Tony
awards aux Etats-Unis, l’équivalent des Molières, ainsi que pour
le Prix Pulitzer. En 2002, elle est enfin nommée dans la catégorie
"révélation de l’année" aux Molières. Acclamée dans les pays
anglo-saxons, elle n’a été jouée que cinq fois en Suisse depuis sa
création en 1979.
Les relations troubles entre les nazis et
l'homosexualité
Arrivé au pouvoir en 1930, Hitler place Ernst Röhm à la tête
des SA, son armée personnelle. L'homosexualité ouvertement assumée
de Röhm et de nombreux chefs des SA fait jaser en Europe. Göring
et Himmler convainquent Hitler qu'homosexualité et nazisme ne
peuvent être associés et qu'elle est un fléau pour l'Allemagne.
Les SA sont accusés de fomenter un coups d'état. Hitler les
élimine avec l'aide des SS entre le 29 et le 30 juin 1934 :
la "Nuit des longs couteaux". Hitler déclare que le peuple
allemand est seul responsable de ce massacre, qu'il a dû commettre
pour le bien de l'Allemagne. Le meurtre légalisé lui permet de
faire accepter les autres atrocités par le peuple allemand.
Après les SA victimes des luttes de pouvoir, les
homosexuels continuent d'être opprimés par Hitler sous prétexte de
"purification" du peuple allemand. Peu enclins à la procréation,
ils sont déclarés coupables de freiner le projet d'une "grande
Allemagne"et déportés.
Dans les camps, une hiérarchie s'impose entre
les prisonniers. Les criminels, les triangles verts, sont les plus
respectés par les nazis et les "chefs" des baraquements. Puis
viennent les prisonniers politiques et enfin les juifs. Les
homosexuels se retrouvent au bas de l'échelle. Considérés comme la
"peste" des camps, ils sont maltraités par les nazis et par les
autres détenus.
Après la guerre, de nombreuses victimes du
nazisme sont aidées à la libération des camps. Les homosexuels
libérés de l'enfer sont à nouveau emprisonnés pour acte
homosexuel, un crime. De nombreux triangles roses n'ont jamais
reçus de compensation financière. Certains déportés refusent
encore aujourd'hui de leur accorder le statut de victimes du
nazisme. Lors du lancement de la pièce "Bent" à Paris, le
président de l'UNADIF (Union Nationale des Anciens Déportés et
Internés et Familles), avait écrit à Jack Lang, alors ministre de
la culture, pour que celui-ci empêche sa représentation. Les
fleurs déposées sur le monument aux déportés à Paris par la
congrégation des déportés homosexuels sont systématiquement
piétinées par les autres congrégations. Malgré la chute du
nazisme, la hiérarchie des camps persiste avec le temps. Les
homosexuels morts dans les camps sont tués deux fois : par les
armes et par le reniement. Un sujet peu abordé par les médias et
qui ne figure que rarement dans les programmes scolaires.
Le paragraphe 175 condamné
Les triangles roses ont été arrêtés et déportés en violation du
paragraphe 175 nommé "du sang et de l'honneur". Cette loi est
préexistante au régime nazi et a été modifiée en 1934. Elle
interdisait toute relation homosexuelle décrite comme "contre
nature". Être arrêté pour cause d'homosexualité entraînait la
perte de tous les droits civiques. La paragraphe 175 n'a été aboli
en Allemagne qu'en 1994.
En anglais, "Bent" signifie "courbé, plié, déviant". Ce
mot est toujours utilisé pour désigner les
homosexuels.
Swissgay.ch
Dates des représentations et réservations
18 avril : 20h
19 et 20 avril : 17h
du 22 au 26 : 20h.
Théâtre de la Poudrière, 22 quai Philippe Godet, Neuchâtel.
Réservations : 032 724 65 19.
Exposition
En parallèle à ce
projet, la Compagnie Maskarade a demandé à une artiste peintre de
la région neuchâteloise, Valérie Leuba, de créer une exposition
reprenant les thèmes de la pièce. Celle-ci sera présentée dans le
café du Théâtre de la Poudrière durant les semaines de
représentations.
Lire aussi :
- Le site de la troupe :
Compagnie
Maskarade
- Sur Swissgay.ch :
articles sur la déportation
- L'histoire du triangle rose :
http://fr.wikipedia.org/wiki/Triangle_rose
- Le paragraphe 175 :
http://www.triangles-roses.org/paragraphe_175.htm
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