Paris -
Pascal Sevran, cette fois, est mort
09.05.08
Pascal Sevran, décédé
vendredi à 62 ans des suites d'un cancer du poumon, a été l'ardent
défenseur de la chanson française "à l'ancienne" au travers de
plusieurs émissions télévisées pendant 25 ans, tout en publiant
son journal dont chaque tome était un succès de librairie.
Il avait été enterré une
fois avant l’heure après une fausse information diffusée par
Europe 1 en avril 2008. Mais cette fois, son décès a été
"authentifié". C'est la famille de l'animateur elle même qui l'a
fait savoir dans un communiqué parvenu à l'AFP.
Garçon coiffeur,
parolier, écrivain, animateur télé : Pascal Sevran a connu un
paquet de métiers. "Je voulais être de ces chanteurs de twist au
bord de la piscine d’Eddy Barclay. Comme un imbécile, je disais
"Côte d'Azur" en croyant avoir tout dit. J’y suis allé, j’en suis
revenu. Nous ne vivons que d’illusions et de souvenirs", a-t-il
commenté par la suite dans son journal, dont il publiait un tome
chaque année depuis l’an 2000.
Dès la nouvelle de son
décès, de nombreuses personnalités ont évoqué cet ardent défenseur
de la chanson française à l'ancienne. Le maire de Paris Bertrand
Delanoë a parlé de "la qualité d'écriture de l'auteur". "Au-delà
des excès de certaines de ses positions qui avaient suscité la
polémique, je retiendrai la sensibilité et l'intelligence de
l'homme", a-t-il souligné. Line Renaud juge qu'"on l'ironisait à
tort". "Il a été un protecteur de la chanson. Qui va faire cela
maintenant ?", a-t-elle dit. Pour Marc-Olivier Fogiel, "Pascal
était entier dans ses passions, ses enthousiasmes et ses colères.
C'est ce qui faisait son charme". Pour Nicoletta, "si les tournées
de chanteurs des années 60 ont autant de succès, c'est à lui qu'on
le doit".
Né à Paris le 16 octobre
1945 d'un père chauffeur de taxi communiste et d'une mère
espagnole et couturière, Jean-Claude Jouhaud (son véritable nom)
quitte l'école avec pour seul diplôme le certificat d'études
primaires.
Il rêve de devenir
chanteur et fréquente le Petit conservatoire de la chanson, dirigé
par Mireille. Il y fait la connaissance du philosophe Emmanuel
Berl, époux de Mireille, et devient son secrétaire particulier.
Pascal Sevran passe à
l'écriture de chansons (près de 500) dont le célèbre et émouvant
"Il venait d'avoir 18 ans" pour Dalida, l'une de ses grandes
amies. C'est dans la loge de la chanteuse qu'il rencontre, en
1977, François Mitterrand. Le compositeur entre dans le cercle des
intimes de celui qui n'est pas encore président de la République
et avec qui il entretiendra jusqu'au bout une amitié indéfectible.
Sa fidélité pour le chef de l’Etat, resté quatorze ans à gouverner
la France, a continué même après sa mort, en 1996. Ainsi, il
aurait fait partie de ceux qui ont payé la caution de 5 millions
d’euros du fils du président défunt, Jean-Christophe Mitterrand.
Après Mitterrand, Sevran
s’est aussi lié avec Bertrand Delanoë et Jack Lang, à qui il
rendra un rapport sur la sauvegarde de la chanson française du
temps où celui-ci était ministre de la culture.
En 1981, il présente sur
TF1 "La croisée des chansons" puis deux ans plus tard sur FR3
"Laisser passer la chanson". En 1984, il lance l'émission qui le
rendra célèbre, "La chance aux chansons", sur TF1 jusqu'en 1991,
puis sur France 2 jusqu'en 2000.
Le cheveu impeccable,
l'oeil bleu qui clignote et virevoltant dans un costume du
dimanche, Pascal Sevran, qui apostrophe à l'antenne un "Tintin"
qu'on ne voit jamais, accueille aussi des membres de la jeune
génération : Patrick Bruel y effectue ses débuts avec "Marre de
cette nana". Cette émission ("l'une des moins chères de la
télévision", a souvent rappelé Pascal Sevran) va durer 17 ans et
devenir culte auprès d'un public fidèle.
Sa suppression en 2001
provoque des milliers de lettres de protestation. L'animateur
revient le dimanche avec "Chanter la vie", qui s'arrête à l'été
2007, en raison de "soucis de santé", expliquait la chaîne, un
problème sur une corde vocale, avait précisé Pascal Sevran.
Passionné de littérature,
il tient son journal depuis 1998, à la suite de la mort de son
compagnon de longue date, Stéphane, dont il ne parvient que
difficilement à faire le deuil. Il écrit ce journal "pour tenir
debout et garder palpitant de vie ce jeune homme aimé qui ne doit
pas disparaître".
Le huitième et dernier
tome, "La mélancolie des fanfares", était sorti début 2007. Il a
écrit au total 15 livres, dont "Le passé supplémentaire" en 1979,
couronné du prix Roger Nimier.
Fin 2006, il avait
provoqué un tollé en tenant des propos controversés sur la
sexualité des Noirs, lors d'un entretien avec Var Matin. Il avait
écrit, noir sur blanc, qu’il faudrait "stériliser la moitié de la
planète". Il se grille aussi bien à gauche qu’à droite et à la
télé. Cette phrase, inscrite dans son livre "Le Privilège des
jonquilles", paru en janvier 2006, a sonné le glas de la bonhomie
de l’animateur : "Les coupables [de la famine au Niger] sont
facilement identifiables, ils signent leurs crimes en copulant à
tout va. La mort est au bout de leur bite. Ils peuvent continuer
puisque ça les amuse. Personne n’osera jamais leur reprocher cela,
qui est aussi un crime contre l’humanité : faire des enfants, le
seul crime impuni". Scandale. Le ministre de la culture de
l’époque, Renaud Donnedieu de Vabres, juge les propos "scandaleux,
inadmissibles et racistes". Depuis, difficile de trouver sur le
web des pages qui évoquent Sevran sans faire allusion à cette
histoire, à son homosexualité ou aux propos limites qu’il tenait
sur les femmes. Des personnalités, y compris de gauche, avaient
pris sa défense en assurant que Pascal Sevran ne méritait pas
l'étiquette de raciste, mais il avait reçu un sévère avertissement
de France 2.
En 2007, Sevran n’a pas
manqué d’afficher son soutien au nouveau président, Nicolas
Sarkozy.
Le 21 avril dernier, son
décès avait été malencontreusement annoncé sur Europe 1,
information reprise ensuite sur France 2, Direct 8 et des sites
internet. Avant d'être démentie dans la demi-heure suivante. Cette
annonce erronée avait entraîné des remous au sein d'Europe 1 et
l'émoi de la Société des rédacteurs (SDR). Le Conseil supérieur de
l'audiovisuel (CSA) avait rappelé à l'ordre sous forme de "mise en
demeure" Lagardère Active, qui contrôle Europe 1, et Jean-Pierre
Elkabbach.
En 2007, Pascal Sevran
est devenu l’une des égéries du "Comité de la claque", qui élit
chaque année la personnalité à claquer. Le prix à payer pour ses
paroles.
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