Suisse - La Radio suisse romande s'intéresse à
l'homosexualité en Jamaïque
10.12.07
Du 10 au 14 décembre à
14h, la Radio suisse romande diffuse les Carnets de route de
Jean-Cosme Delaloye sur la Jamaïque où vivre son homosexualité
reste impossible. Le journaliste raconte sur le site
The.point.is
la vie difficile d'une jeune lesbienne jamaïcaine et cite les
multiples meurtres dont sont victimes les homosexuels dans ce pays.
Les
enregistrements des Carnets de route de Jean-Cosme Delaloye sur le
site de la Radio suisse romande,
à télécharger ou à écouter online :
www.rsr/dromadaire et sur le site :
The.point.is
Jean-Cosme Delaloye :
portrait
Article
reproduit avec l'aimable autorisation de Jean-Cosme Delaloye (The.point.is).
“C’est dur de survivre
quand vous êtes gay en Jamaïquee" Janice a été battue parce qu’elle est lesbienne. Assise dans une
pièce sans fenêtre d’une maison anonyme sur les hauteurs de
Kingston, la Jamaïcaine de 31 ans montre une cicatrice au-dessus
de son œil et affirme ne jamais sortir sans son couteau. Elle l’a
déjà utilisé «quelques fois » pour se défendre, dit-elle. Quand
elle parle de son quotidien, son regard fâché crie sa douleur. La
jeune femme a dû quitter le domicile parental quand elle était
adolescente à cause de sa sexualité. « J’avais 14 ans, raconte
Janice. Mes sœurs avaient des copains mais moi, je n’en voulais
pas. J’ai dit un jour à ma mère que je ‘aurai pas d’enfants car
j’étais différente. Elle ne l’a pas accepté ».
A l’époque, Janice se
réfugie chez une amie. « Quand j’ai quitté ma famille, ça allait
plutôt bien jusqu’au jour où je me suis retrouvée seule dans la
rue, ajoute-t-elle. Je suis partie de chez mon amie quand j’avais
17 ans. Là, c’était l’enfer car je ne pouvais pas aller vers les
gens et leur dire que j’étais lesbienne. Les Jamaïcains sont
totalement contre l’homosexualité».
En Jamaïque, la sodomie
est un crime punissable de 10 ans de prison (infos). Les actes sexuels
entre deux femmes ne sont en revanche pas mentionnés dans de loi
et sont donc légaux. Mais ils ne sont guère plus tolérés par la
population. Parallèlement, le taux de criminalité explose dans
l’île des Caraïbes. Plus de 1440 personnes y ont été tuées depuis
début 2007 et le pays pourrait dépasser son record de 2005,
lorsque près de 1700 homicides avaient été recensés.
Dans ce contexte, les
actes de violence contre les homosexuels se produisent
régulièrement. En 2004, Brian Williamson, un activiste gay de 59
ans, a été brutalement assassiné de 70 coups de couteau. L’auteur
du crime, un homme de 25 ans, purge actuellement une peine de
prison à vie pour ce meurtre dont le motif reste officiellement le
vol. Les amis de M. Williamson sont toutefois convaincus que
celui-ci a payé de sa vie pour avoir osé afficher son
homosexualité.
Toujours en 2004, un
adolescent homosexuel a survécu à un lynchage commandité par son
propre père. Le 1er décembre 2005, Lenford Harvey, un gay qui
avait créé une association pour lutter contre la propagation du
virus du Sida en Jamaïque, a été abattu d’une balle dans la tête.
Au mois d’avril de cette année, un travesti a été battu en plein
jour par la foule alors qu’il attendait le bus dans le centre de
Falmouth, une ville à l’ouest de l’île. Janice raconte une
histoire similaire. « Un jour j’ai rencontré une fille que je
connaissais à un arrêt de bus. Nous étions en train de discuter
lorsque deux hommes se sont approchés et m’ont traité de
lesbienne. Ils aimaient bien la fille et m’on battu pour avoir
parlé avec elle ».
L’apparence de Janice
trahit son orientation sexuelle. La jeune femme a un air de garçon
manqué qu’elle souligne par des cheveux coupés très courts, un
ample t-shirt blanc, des jeans droits mais légèrement baggy, une
paire de Reebok blanches et une grosse croix en argent qu’elle
porte autour du cou. « Pour survivre en Jamaïque lorsque vous êtes
gay, vous devez connaître le but de votre vie et ce à quoi vous
tendez, dit-elle de sa voix rauque. J’espère qu’un jour, je
n’aurai plus à cacher ma sexualité et que je pourrai être qui je
suis. Mais je dois me battre pour obtenir ce droit. Le combat est
difficile. Ici en Jamaïque, quand vous êtes gay, vous n’avez aucun
droit ».
Garymary, 26 ans, est
gay. Employé du ministère de la santé, ce jeune homme élancé
travaille avec les défavorisés pour combattre le virus du Sida. Il
explique ne pas vouloir cacher son orientation sexuelle mais n’en
parle ouvertement que dans les milieux homosexuels. « Etre gay en
Jamaïque est un risque, dit-il. Des hommes me traitent de «
Battyman » (n.d.l.r. : mot péjoratif pour qualifier les
homosexuels en Jamaïque). Je suis différent et parle
différemment. Je marche avec un certain balancement. Ils me
regardent comme si j’étais bizarre. Mais j’essaie de ne pas penser
à ce qu’ils pensent. Je veux être moi-même ».
La condition des
homosexuels jamaïcains ne devrait guère évoluer dans un futur
proche. En octobre dernier, Andrew Holness, le ministre jamaïcain
de l’Education, a vigoureusement réagi à la mention dans un livre
scolaire des unions du même sexe. « Le ministère de l’Education ne
soutient en aucun cas l’enseignement des relations homosexuelles
comme une définition de la famille, a-t-il déclaré au Jamaican
Observer. Nous ne l’enseignons pas et ne le recommendons pas ».
En juillet dernier, Bruce
Golding, ancien leader de l’opposition récemment élu Premier
ministre du pays, avait abordé la question de l’homosexualité
alors qu’il était en campagne électorale. « Nous ne croyons pas que l’Etat
devrait aller voir ce qui se passe dans la chambre à coucher des
gens parce que si vous le faites pour faire respecter des lois sur
la sexualité, vous le faites pour d’autres choses, a t-il déclaré
dans une interview accordée au Sunday Observer. Mais nous
n’accepterons pas officiellement ce genre d’activité
(homosexuelle) ».
Dans la petite pièce sans
fenêtres des hauts de Kingston, Janice dit rêver de pouvoir
marcher un jour librement dans la rue et affirmer sa sexualité : «
Chacun d’entre nous a le droit de vivre sa vie comme il l’entend,
déclare-t-elle avec son regard triste. Vous devez pouvoir vivre ce
que vous ressentez. Nous n’avons pas choisi d’être gays. Nous
sommes nés comme ça. » Elle glisse avec pudeur vouloir devenir
styliste et mannequin gay : « Si je le pouvais, je dessinerais des
habits d’homme et les porterais».
Jean-Cosme Delaloye / Kingston
Swissgay.ch
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The.point.is
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portrait
A écouter : - Les enregistrements des Carnets de route de Jean-Cosme Delaloye
sur le site de la Radio suisse romande, à télécharger ou à écouter
online : www.rsr/dromadaire et sur le site :
The.point.is
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