Chine
- Vague anti-gay avant les JO de
Pékin 09.04.08
Le site internet Bakchich.info a publié ce
dimanche 6 avril 2008 un article sur la chasse aux homosexuels
lancée par le gouvernement chinois quatre mois avant les JO de
Pékin. Avec l'aimable autorisation de Bakchich.info, nous
reproduisons ici l'intégralité de cet article.
Le site internet :
Bakchich.info
Avant les J.O l’ambiance n’est pas très gay
par
Doug Ireland
La police chinoise fait le ménage. Et rien
n’échappe à sa vigilance. La communauté gay en fait les frais. Les
rafles se multiplient dans les quartiers homosexuels de Pékin, où
il ne fait décidément pas bon sortir de la norme !
La vague d’intimidation et de répression en
Chine avant les Jeux Olympiques cible aussi les homosexuels. Selon
un courriel du Docteur Wan Yanhai, le militant gay et anti-Sida le
plus en vu en Chine, le mois de mars a été l’occasion de
nombreuses rafles policières à Pékin et à Shanghai. Il estime que
les autorités chinoises ont sévit contre la communauté gay "au
niveau national ".
Le Dr. Wan Yanhai n’est pas n’importe qui.
Fonctionnaire dans le ministère de Santé publique, il a perdu son
poste en 1994 à cause de sa participation à des campagnes
d’information sur le sida et à son soutien pour l’idée d’égalité
des droits des homosexuels, hommes ou femmes. Après son
licenciement du ministère, Wan Yanhai a fondé l’association
anti-Sida Aizhixing Action Project (les caractères chinois pour "Aizhixing"
représentent l’amour, le savoir et l’action et sont un jeu sur le
mot chinois pour Sida). L’association milite également pour la
liberté d’expression sur Internet.
Enlevé et arrêté en 2002 pour avoir diffusé un
rapport gouvernemental interne sur le scandale du sang contaminé
en Chine (près d’un million de personnes ont été contaminé par le
VIH dans 23 des 30 provinces chinoises), Wan Yanhai n’a été libéré
qu’un mois plus tard après une campagne mondiale protestant contre
son arrestation. En 2006, il était de nouveau arrêté pour avoir
accusé le gouvernement de "s’être endormi" sur le Sida en Chine.
Dans le même temps, une conférence sur le Sida qu’il avait
organisé, où était attendu des délégués des associations et
fondations anti-Sida du monde entier, était purement et simplement
annulée sur ordre gouvernemental. Son travail sur le Sida et pour
les droits de l’homme est pourtant reconnu. Ainsi a-t-il reçu un
prix de l’association Human Rights Watch.
Rafles en série
Dans son courriel, Wan Yanhai raconte en
détail certaines des rafles. Tout a commencé le 9 mars 2008 par
une descente de police à "Destination", la boîte gay la plus
branchée de Pékin. Les autorités ont prétexté que la discothèque
était "surpeuplée" et ont ordonné sa fermeture plusieurs jours
durant. Selon d’autres informations récoltées a Pékin par
Bakchich, la police avait vidé la discothèque de tous les
non-asiatiques avant de procéder aux interpellations et cela afin
d’éviter qu’un diplomate ou un étranger influent puisse témoigner
de la manière de procéder des forces de l’ordre.
Le 17 mars, des policiers armés et des officiers
du Bureau de la sécurité publique descendaient dans le parc
Dongdan dans le secteur Est de Pékin, connu comme un lieu de
drague gay. Selon Wan Yanhai, la police a "amené les gays dans le
commissariat qui se trouve à l’intérieur du parc, où au moins une
quarantaine de personnes ont dû attendre leur tour pour être
interroger. Tous ont été contraints de montrer leurs papiers
d’identité. Ils ont ensuite été forcés d’écrire leurs noms sur une
feuille et de la tenir sur leur poitrine pendant que la police les
photographiait. Les plus réticents ont été retenus pour des
interrogatoires prolongés. Un bénévole de l’Aizhixing Action
Project faisait parti du lot. Les policiers ont prétendu qu’ils ne
retrouvaient pas son nom dans les fichiers informatiques, et il a
fallu l’intervention de l’avocat de l’Aizhixing Action Project
pour qu’il soit libéré.
La police a justifié cette arrestation
collective par un meurtre qui avait été commis dans le parc
quelques jours auparavant. Mais lors des interrogatoires, pas une
seule question sur le sujet ! Durant les jours qui ont suivi cette
rafle, des véhicules de polices ont continué à patrouiller et à
faire des contrôles d’identité inopinés. Pour la moindre
imprudence, les gens étaient amenés au commissariat. Dans
l’après-midi du 22 mars, deux jeunes gens étaient arrêtés au
moment même où ils entraient dans le parc."
Bains gays, chat room… rien n’échappe à la
police de Pékin
Un autre épisode du même genre s’est
produit le 20 mars dans l’Oasis, les bains gays les plus
populaires de Pékin. Selon Wan Yanhai, "plus de 70 personnes, tous
des clients ou des employés du club, ont été arrêtés. Après plus
de 30 heures de détention, les clients de l’établissement étaient
libérés, alors que les employés étaient eux gardés derrière les
barreaux. A l’aube du 21 mars, la police descendait à nouveau dans
un autre bain Oasis près du Pont Dongsishitiao, où cette fois, les
employés étaient tous arrêtés. A ce jour, les deux bains restent
fermés sur ordre de la police. Un bain gay dans un autre secteur
de la ville était aussi fermé par les autorités, ainsi qu’un bain
gay à Shanghai."
Par ailleurs, selon une annonce du chat room gai
Beijing Tongzhi (le mot "tongzhi", littéralement "camarades", a
été largement adopté par les gays chinois pour se désigner
eux-mêmes), au moins 80 "travailleurs du sexe" ont été arrêtés.
Selon l’annonce, "depuis quelques jours Pékin nettoie la ville et
sévit contre le commerce du sexe. Plus de 80 travailleurs du sexe
sont actuellement sous les verrous. Pourtant ce site n’accueille
personne dont les intentions sont illégales. Nous espérons que
tout le monde se concerte pour s’opposer à cela. Merci pour votre
coopération !"
Wan Yanhai n’est pas le seul à faire part des
actions policières contres les gays. Selon le site internet
chinois le
Shanghai-ist, "la rafle dans la boîte Destination de Pékin a
eu lieu le même soir qu’une rafle contre le PinkHome de Shanghai,
où plusieurs gays ont été arrêtés. De telles mesures répressives
prises si rapidement contre les lieux et les espaces publics
fréquentés par les gays sont inédites en Chine, notre effarement
n’en est que plus justifié."
Il est vrai que le nombre de boites, bars, et
bains gay a connu un accroissement ces dernières années, notamment
depuis le changement du statut des homosexuels. En 1997, le terme
de "voyou" a été retiré du Code criminel à l’égard des gays
arrêtés pour "sollicitation" dans des endroits publics (c’était
l’accusation préférée contres les gays que la police soupçonnait
de draguer.) Les actes homosexuels ont ainsi été décriminalisés
et, en avril 2001, l’homosexualité a été retirée de la liste des
maladies mentales.
Nettoyage avant les J.O.
Selon un interlocuteur de Bakchich à
Pékin, "les autorités ont commencé ce "nettoyage" pour signaler à
la communauté gay qu’il fallait qu’elle se montre discrète pendant
les JO. Le gouvernement voyant d’un mauvais œil tout ce qui n’est
pas considéré comme "normal" ou "bien rangé." Pékin veut faire
fuir des grandes villes tout ceux qui ne possèdent pas le
passeport interne requis pour y résider. En outre, certains
soupçonnent que les rafles dans les boîtes et les bains pourraient
avoir un rapport avec la corruption. De nouveaux commissaires de
police ont été nommés à Pékin, et il n’est pas rare qu’ils
intimident des commerçants gays en leur demandant de payer un
bakchich pour pouvoir travailler tranquillement."
Malheureusement, cette vague évidente
d’intimidation des gays chinois n’a pas encore attiré l’attention
de la presse. Tout comme le fait que Hu Jia, le dissident condamné
à trois ans et demi de prison le 3 avril, est aussi un militant
anti-SIDA notoire et un proche collaborateur de Wan Yanhai. Ni Le
Monde, Libération, Le Figaro, France-Soir, ou le Nouvel
Observateur, en rapportant la réclusion de Hu Jia, n’ont trouvé
nécessaire de mentionner le fait qu’il est le directeur exécutif
de l’association Aizhixing Action Project fondée par Wan Yanhai,
mais aussi qu’il est le fondateur d’une autre association
anti-SIDA, Love Source. (Entre 2002 et 2005, Hu Jia passait
plusieurs mois par an dans les "villages du sida" des régions où
des paysans très pauvres ont été victimes de l’affaire du sang
contaminés dans des centres de transfusion. "Beaucoup de gens
mouraient, se souvenait-il ; en tant que bouddhiste, il
m’incombait de passer du temps avec eux pour alléger leurs
souffrances.")
Et si Hu Jia croupit aujourd’hui au fond d’une
cellule, il y a lieu de s’inquiéter aussi pour l’avenir de son ami
Wan Yanhai.
Source :
Bakchich.info
Swissgay.ch
Lire aussi :
- Sur Swissgay.ch :
Chine - Festival homosexuel interdit
- Le site :
Reporters sans
frontières
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