Lausanne - Capleton :
les inexactitudes du Metropop
Festival
09.11.08
Capleton interdit à Bâle, pas à Lausanne
A Lausanne, la plupart des politiques et des sponsors se
bouchent les oreilles
Lettre ouverte des associations LGBT
Après Capleton, Pink Cross menace de porter plainte
Capleton
- Homophobie : les défaillances du système
lausannois
Le 8 novembre 2008, Tjenbé Rèd Paris, Mouvement
civique pour l'action & la réflexion sur les questions noires,
métisses & LGBT (lesbiennes, gaies, bi & trans), a adressé cet
email au Service des affaires culturelles du canton de Vaud,
partenaire du Metropop Festival Lausanne. Il y relève des
inexactitudes concernant les déclarations de Mediacom et du
Metropop sur Capleton.
Chère Madame
Brigitte Waridel,
En votre qualité de
cheffe du service des affaires culturelles du canton de Vaud, où
se trouve organisé ce soir un concert du chanteur de reggae
dancehall jamaïcain Capleton, nous devons vous faire part de notre
surprise face à la rapidité avec laquelle votre service a pris
pour argent comptant certaines déclarations de la société Mediacom,
tourneur de Capleton, et de Metrotop Festival, son partenaire
économique à Lausanne. Nos partenaires Stop Murder Music Bern et
Swissgay.ch nous ont en effet communiqué un échange de courriels
entre eux-mêmes, votre service et Metrotop Festival, reprenant
certains documents transmis par Mediacom.
Tout commence bien
dans votre courriel du 6 novembre à 15h20 où vous indiquez avec
fermeté à Metrotop Festival : "Nous avons appris par le mouvement
de défense des droits des homosexuels Swissgay.ch que le concert
de Capleton du 8 novembre prochain au Métropole était maintenu
contrairement à la décision qui a été prise par les responsables
de la Kaserne à Bâle qui ont renoncé à présenter cet artiste suite
aux propos ouvertement homophobes qu'il a tenus en public, en
particulier lors de ses concerts. Ceci est d'autant plus grave que
Capleton a signé les accords de la RCA (Reggae Compasionnate Act)
qui stipulent qu'aucun propos raciste, homophobe ni sexiste ne
doit être tenu lors de manifestations. Nous vous prions dès lors
de nous communiquer, par retour de courrier, ce que vous comptez
faire pour vous distancer des propos tenus par Capleton. Vous
comprendrez aisément que l'Etat de Vaud, au travers de la
couverture de déficit qu'il vous a accordé, et par le fait que
nous figurons sur votre matériel de promotion avec notre logo, ne
peut s'associer à de tels propos qui sont discriminatoires envers
une partie de la population."
Les choses
continuent ensuite de manière assez classique, Metrotop Festival
usant en réponse, le jour même à 16h31, d'une rhétorique à
laquelle nous sommes désormais rodés : "Capleton, au début de sa
carrière, a écrit quelques chansons à caractère discriminatoire,
notamment envers la communauté homosexuelle... Il a depuis fait
amende honorable... Lors de l'engagement de Capleton, nous avons
toutefois demandé à Mediacom et à l'artiste des garanties écrites
quant au strict respect des minorités et croyances de chacun...
Garanties que nous avons obtenues et que vous trouverez
ci-jointes..."
Premières
inexactitudes
Capleton n'a pas exactement écrit "quelques chansons à caractère
discriminatoire envers la communauté homosexuelle au début de sa
carrière." Il a écrit et interprété, entre 1991 et 2007,
vingt-neuf des 207 chansons les plus homophobes du dancehall,
selon le site Internet Murder Inna Dancehall (soit 14% à lui tout
seul, ce qui est une forme d'exploit quand on sait que ce site
signale en tout 99 artistes) [1]. Ces chansons appelaient ainsi au
meurtre et à la haine des personnes LGBT (lesbiennes, gaies, bi &
trans) : "Brûle un pédé, saigne un pédé à blanc... Les sodomites
et les pédés, je les bute avec mon flingue... Tu dois savoir que
Capleton crame les pédés... Et les lesbiennes, je les crame
pareil... Je dis que je crame les pédés et les sodomites dès que
je sais qu'ils sont pédés... Tous les pédés et les sodomites
doivent être butés... Allez, pendez-les avec une chaîne... Tous
ces pédés qui rôdent, Mère-Nature nous dit qu'aucun ne peut
survivre..." [2]
Deuxièmes
inexactitudes
Capleton n'a pas exactement "fait amende honorable". Le 7 juin
2005, il adressait une déclaration à la Fédération française des
Centres LGBT (c'est cette déclaration dont une traduction
française vous est adressée, non datée, par Metrotop Festival). A
ce sujet, la Fédération française des Centres LGBT parlait de
déclaration "sibylline" et ajoutait : "La Fédération se réjouit
que Capleton confirme personnellement et par écrit sa décision
annoncée le 4 février dernier, par son label et par oral, de ne
plus interpréter de chansons susceptibles d'être "prises comme des
attaques" homophobes ou transphobes. En revanche, la Fédération
constate que Capleton ne regrette pas le caractère homophobe de
ces chansons, mais seulement qu'elles aient été "mal comprises ou
mal interprétées"... La Fédération constate que Capleton ne se
prononce ni sur leur éventuel retrait définitif du commerce, ni
sur son éventuel respect du "genre de vie" des personnes LGBT, ni
sur les éventuelles agressions de certain/es de ses fans à
l'encontre de ces personnes." [3]
Cette déclaration
d'une clarté perfectible n'empêchait pas Capleton de publier deux
nouvelles chansons répertoriées par le site Murder Inna Dancehall
: "Toppating", enregistrée en décembre 2005 et publiée avec
l'album "Reggae Gold 2006" le 20 juin 2006, et "Hits Pon Toppa
Hits", enregistrée en juillet 2006 et publiée avec l'album "Strictly
The Best 35" le 21 novembre 2006 [4]. Au 13 juin 2007, Capleton
signait cette fois le Reggae Compassionate Act qui l'engageait de
nouveau à ne plus interpréter de propos si délicatement
"discriminatoires" (pour reprendre le subtil euphémisme de
Metrotop Festival). Aussi simplement qu'il avait, dès décembre
2005, quelque peu relativisé son engagement du 7 juin 2005,
Capleton a violé ce nouvel engagement dès le 25 décembre 2007 en
appelant, lors d'un concert, son public à "lever les mains" pour
"brûler les pédés et les sodomites" [5]. Metrotop Festival estime
"qu'il faut savoir donner une deuxième chance à des personnes qui
ont fait des erreurs" mais Capleton a déjà eu sa deuxième et même
sa troisième chance.
Troisièmes
inexactitudes
Pour mieux appuyer son propos, Metrotop Festival produit une
attestation de Mediacom, observateur extérieur parfaitement neutre
et fiable sans doute, exempt de tout intérêt en la matière : "En
notre qualité d’agent européen de l’artiste Capleton, nous
garantissons que ses concerts ne comportent aucun propos
discriminatoire envers une quelconque communauté, race ou religion
et notamment contre les personnes d’orientation homosexuelle. Les
concerts déjà effectués lors de cette tournée ou lors des trois
dernières années en Europe en sont d’ailleurs la preuve. Fait pour
servir et valoir ce que de droit." Cette attestation est datée du
5 novembre 2008 : il est fâcheux qu'à cette date, la performance
délivrée par Capleton le 25 décembre 2007 ait déjà été
parfaitement notoire. Il est également fâcheux que Mediacom tente
d'introduire une différence entre les propos homophobes tenus en
Europe et ceux tenus en-dehors de l'Europe (un "en-dehors"
d'ailleurs non nommé). Une telle dichotomie relèverait d'une
vision quelque peu périmée du monde, abandonnée en tout cas depuis
les décolonisations, et participerait d'une lecture
différentialiste des droits humains. Comme l'estimait la chaîne de
télévision franco-allemande Arte qui consacrait un reportage à la
murder music le 19 septembre, "considérer ces textes comme faisant
partie de la culture jamaïcaine constituerait une forme de mépris
envers les droits de l'homme." [6]
Le plus surprenant
n'est pas que Metrotop Festival et Mediacom usent de cette
rhétorique. Le plus surprenant, c'est que votre service l'entérine
sans manifester tout le sens critique qu'on pourrait attendre de
lui. Par son courriel du 6 novembre à 17h19 (quarante-huit minutes
après le courriel de Metrotop Festival), il prend "acte de ces
engagements" et ne voit "pas de motif de les mettre en doute."
Votre service a-t-il lu les éléments qui lui étaient fournis par
Stop Murder Music Bern
et Swissgay.ch ?
A-t-il cherché à vérifier les éléments soumis par Metrotop
Festival et Mediacom ? À recontacter Stop
Murder Music Bern
ou Swissgay.ch pour vérifier leur
version des faits ?
Pour Tjenbé Rèd
(Stop Murder Music France)
Le président, David Auerbach Chiffrin
[1] Liste MID -
Murder Inna Dancehall
(au 4 novembre 2008) : Admiral Bailey, Admiral T,
Akon, Alozade, Angel Doolas, Anthony B, ARP, Assassin, Baby Cham,
Baby G, Beenie Man, Black-er, Bounty Killer, Brian, Buju Banton,
Bunny Wailer, Busta Rhymes, Cam'ron, Capleton, Chicken, Chuck
Fender, Congo Natty, Daddy Mory, Damian Marley, Delly Ranks, Demo
Delgado, DJ Collateral, Dr. Evil, Easy Star All-Stars, Elephant
Man, Filco Ranks, Frisco Kid, Gabriel, Galaxy P, General B,
General Degree, General Levy, Ghetto Max, Gringo, Hammer Mouth,
Harry Toddler, Hawkeye, Horace Andy, Hot Shot Crew, Jigsy, Jigsy
King, Juelz Santana, Junior Demus, Junior Kelly, Junior Reid,
Kardinal Offishall, Kevin Evil, Kiprich, Krys, Lady Saw, Lexxus,
Lovindeer, Lovy Jam, Macka Diamond, Mad Cobra, Mavado, Mega Banton,
Menny More, Misty In Roots, Mr. Chicken, Mr. Easy, Mr. Vegas,
Ninja Ford, Notch, Pan Head, Pierpoljak, Predator, Professor Nuts,
Rally Bop, Ranking Toyan, Ras Berry, Red Dragon, Sanchez, Sayrus,
Scare Dem Crew, Shabba Ranks, Singer J, Sizzla, Spragga Benz,
Stapler, T.O.K., Tappa Zukie & Family, Terror Fabulous, Tony Gold,
Top Cat, Twins Of Twins, Virgo Man, Vybz Kartel, Ward 21, Warrior
King, Wayne Marshall, Wickerman, Yellowman, YT
http://soulrebels.org/dancehall.htm
[2] OutRage!/ Stop
Murder Music/ Dancehall Dossier
(2004, p. 5)
http://www.tjenbered.fr/2004/20041231-95.pdf
[3] 8 juin 2005 -
Capleton : «Ma musique n’incite à la violence contre aucun être
humain que ce soit, quelque soit son genre de vie» - (Suite aux
négociations ouvertes le 26 mai par Reims Liberté Gaie, «An nou
allé !» et la Fédération des CGL, Capleton adresse une déclaration
sibylline aux associations LGBT françaises) - Communiqué de presse
n°ANA2005/09
http://www.tjenbered.fr/ana/2005/20050608-00.html
[4A] http://www.soulrebels.org/dancehall/e_songs_more.htm
[4B1] http://www.soulrebels.org/dancehall/u_lyrics_toppa.htm
[4B2] http://www.tjenbered.fr/2006/20060620-99.pdf
[4C1] http://www.soulrebels.org/dancehall/u_lyrics_hits.htm
[4C2] http://www.tjenbered.fr/2006/20061121-99.pdf
[5] 30 octobre 2008
- Le chanteur homophobe Capleton viole le Reggae Compassionate Act
et arrive en tournée en France et en Europe (Tjenbé Rèd devient
relais du réseau Stop Murder Music en France et appelle les
associations qui défendent les droits humains à une mobilisation
résolue contre les propos de Capleton, aspirant «brûleur de
pédés») - Communiqué de presse n°TR08SOC33
http://www.tjenbered.fr/2008/20081030-00.html
[6] 3 novembre 2008
- «Love, peace, unity et homophobie» : Arte se penche sur la
murder music
(Selon la chaîne de télévision franco-allemande, «considérer ces
textes comme faisant partie de la culture jamaïcaine constituerait
une forme de mépris envers les droits de l'homme car la
philosophie du reggae prône bien autre chose») - Communication
n°TR08SOC34
http://www.tjenbered.fr/2008/20080919-99.html
© TJENBÉ RÈD !
Mouvement civique pour l'action & la réflexion sur les questions
noires, métisses & LGBT (lesbiennes, gaies, bi & trans) en France
ultramarine & hexagonale, Paris
Swissgay.ch
La situation dramatique des homosexuels en
Jamaïque et l'homophobie d'Etat. A lire sur Swissgay.ch : -
Jamaïque - Malgré une menace de boycott, l’île refuse de lutter
contre l’homophobie -
Jamaïque - Un gay présumé se noie pour échappé au lynchage -
Suisse - La Radio suisse romande s'intéresse à l'homosexualité en
Jamaïque. Carnets de route de Jean-Cosme Delaloye.
-
Caraïbes -
L'ONU critique la Jamaïque -
Montreux -
Chanteur jamaïquain dénoncé -
GB - Elton John exhorte les gays et les lesbiennes à agir
Lire aussi :
-
Stop Murder Music : le dossier consacré au festival
Metropop et à Capleton -
Metropop Festival
Lausanne -
Le document (en .pdf) de Stop Murder Music sur les textes
homophobes du concert de Capleton du 15 décembre 2007 en Jamaïque
- L'article de 360° :
Capleton annulé à Bâle. Et à Lausanne ?
- L'article de 360° :
Levée de boucliers contre le retour de Capleton
- L'article de Pink Cross, antenne romande :
Protestations contre le raggaeman Capleton
- Le Matin, 06.11.08 :
Festival Metropop: le concert de Capleton maintenu - Le Temps, 07.11.08 :
Capleton, l'homophobe qui plombe le Metropop - 20 Minutes, 06.11.07 :
Un homophobe risque d’être interdit de concert - Swissinfo, 04.11.08 :
La Kaserne de Bâle annule le concert controversé de Capleton - Edicom, 04.11.08 :
La Kaserne de Bâle annule le concert controversé de Capleton
- 20 Minutes, 07.11.08 :
Le concert de Capleton aura bien lieu
Les forums - Le forum de 20 minutes :
http://www.20min.ch/ro/news/vaud/story/10749166
- Le forum du Temps :
http://www.sortir.ch/musique/journal/musique_capleton?users=post - Le forum du Matin :
http://www.lematin.ch/fr/loisirs/musique_concerts/concert-annule-a-bale-capleton-s-explique-dans-une-video_35-306174
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